Parce qu’une naissance est censée être magique…
Parce qu’une naissance est censée être remplie de douceur et de joie….
Parce qu’une naissance est censée être paisible…
Parce qu'une naissance est censée être remplie d'amour...
Et pourtant…
Le rêve de devenir maman est en moi depuis mes 15ans. J’ai eu une enfance cabossée malgré une super famille et le fait d’être moi-même maman devait être, d’une certaine façon, ma manière de
mettre un pansement sur ce passé.
En dix ans, j’ai eu le temps de rêver de ce merveilleux moment où les deux petites barres se dessineraient, de ma grossesse qui se passerait sereinement et d’un accouchement que je voulais dans l’eau et dans la maternité que j’avais déjà choisie depuis longtemps.
Et un jour… ENFIN ! J’ai fait un test qui s’est avéré positif ! Un deuxième, puis un troisième positif encore !!! Je n’y croyais pas. Ce petit être tellement désiré, tellement imaginé et déjà tellement aimé, s’était installé en moi.
Je n’ai pu cacher cela bien longtemps…
Ma famille, mes amis et collègues proches. J’avais envie de le crier au monde entier.
J’étais enceinte… !
J’allais être maman… !
Les jours passent et les petits tracas de grossesse arrivent. J’ai eu quelques malaises et j’avais des douleurs au ventre presque constamment. Vous savez, les fameuses douleurs ligamentaires qui
peuvent être plus ou moins intenses… Ben chez moi c’était carrément puissant… J’étais aussi constamment fatiguée et les insomnies n’arrangeaient rien. En plus de cela, j’avais des douleurs de dos
aiguës et je me réveillais la nuit en pleurs.
Les semaines passent et j’essaie de faire bonne figure.
Ben ouais… Je n’avais pas de quoi me plaindre… j’étais enceinte d’un petit être que j’avais désiré durant 10 ans, le temps d’avoir un bon travail, de l’argent de côté, un bel appartement… Il
était enfin là et si j’avais le malheur d'oublier la chance que j’avais en osant dire que ce n’était pas facile, les gens ne se gênaient pas de me rappeler que c’était normal et que tout le monde
passait par là…
Moralement, je n’étais pas bien. J’essayais de prendre sur moi, au travail surtout. Je me mettais une pression d’enfer pour bien faire les choses et arranger tout le monde. Ben oui, j’étais « juste » la troisième à tomber enceinte cette année-là. J’ai tenu tant bien que mal, malgré de très grosses douleurs de dos qui m’obligeaient à prendre des anti-douleurs constamment, le port d'une ceinture dorsale et des séances de physiothérapie hebdomadaires. J’ai été en arrêt total à 5.5mois de grossesse car je n’arrivais même plus à marcher tellement j’avais des douleurs.
C’est bien connu...
Le premier mois : c'est pénible dû à la fatigue et aux nausées.
Le deuxième mois: nous sommes pleines d’énergie, on se sent belle, invincible, sexy. On se sent toute puissante.
Le troisième mois: le plus dur, car le ventre prend de la place, les insomnies et l’envie que bébé arrive.
L’incompréhension de l’entourage, de mes employeurs, de mes collègues et de certains amis… Ben quoi, je te rappelle que : "c’est tellement beau la grossesse non ?" "Tu as de la chance d’être déjà en arrêt, tu aurais pu faire un effort pour continuer à travailler quand même", "Ils vont dire quoi au travail ?", "Non mais mal au dos, on a tous eu, tu sais", etc…
J’en ai entendu de ces choses durant ma grossesse. Je n'ai eu qu'un mois de répit sur l’ensemble de ma grossesse. Mon petit bonhomme qui grandissait en moi allait merveilleusement bien, alors moi je devais prendre sur moi. Je devais respirer car tout allait bien et tout irait bien.
J’en ai fait des allers/retours aux urgences, mais jamais « pour rien ». Entre les infections, les douleurs et même le pire : Ne plus sentir son enfant bouger !
Les trois derniers mois de grossesse sont, normalement, les moments les plus merveilleux car on voit son ventre se déformer, on sent beaucoup son enfant bouger et on peut filmer les mouvements. Mon fils, je ne le sentais pas bouger, ou que très peu… Et ce durant des heures, des jours ! J’ai vécu les deux derniers mois à travers un Doppler*. J'ai vécu à travers un appareil qui me rassurait car j'entendais le cœur de mon enfant et qui dit entendre le cœur de son enfant, dit qu'il est toujours en vie.
*Un doppler est un appareil qui capte le cœur du bébé.
J’en ai pleuré des tonnes de larmes durant ma grossesse et encore plus à la fin. Moi qui rêvais tellement de ce moment, de mon enfant qui grandirait en moi.
Mais jamais je n’aurais imaginé vivre cela comme ça.
A sept mois de grossesse, j’ai appris que mon fils avait cassé sa courbe de poids, que mon liquide amniotique commençait à manquer mais ce n'était pas inquiétant. Je devais absolument me reposer au maximum et limiter les trajets en voiture. Je devais avoir le contrôle des huit mois, trois semaines après.
Arrivée au contrôle des huit mois, nous hésitions à prendre la valise dans la voiture, mais nous ne l’avons pas prise, pour ne pas nous porter malheur. Lors du contrôle, je n’avais plus de liquide et mon fils n’avait pas grossi durant ces trois dernières semaines.
Une provocation en « urgence » a dont été entreprise. 9h00 de contractions violentes, 9h00 à gérer mes contractions, 9h00 à être
soutenue par mon mari, 9h00 durant lesquelles je me suis accrochée car je voulais mon accouchement naturel.
Au bout de 9h00, j’étais exténuée, je n’avais ni mangé, ni bu, ni dormi. Lors du contrôle du col, que j’ai demandé, j’ai appris que je n’avais pas dilatée… A mon grand regret, j’ai donc demandé
une péridurale afin de me reposer un peu.
A ce moment, je n’avais jamais pensé qu’un accouchement pouvait tourner du tout au tout.
Lors de la pose de la péridurale, ils ont remarqué que mon fils était en bradycardie* et un code rouge a été déclenché. Je n’ai rien compris. Dix personnes m’ont sautées dessus pour me préparer. L’anesthésiste pose des questions à mon mari et dans ma tête c'est le néant complet. Je tremble, j’ai peur, je pleure… Et tout à coup, une douleur insupportable, insoutenable est ressentie dans mon ventre, dans mes entrailles. Je hurle, je dis que j’ai mal, que je souffre. On me propose de m’endormir totalement mais je refuse! Je veux voir mon fils. Je ne veux pas le perdre… Ben quoi ?! C’est assez courant les césariennes donc bon, je prends sur moi. Mais jamais personne ne m’avait dit que c’était cela un accouchement. On m’a arraché mon fils, on me la sorti et moi toujours en hurlant sur cette table.
Je n’ai pas entendu mon fils pleurer, je n’ai vu qu’un nez passer, sur lequel, je crois, j’ai fait un bisou. J’ai eu de la chance, car mon mari a pu être un moment avec moi, puis à la sortie de mon fils, il l’a suivi.
Mon fils a eu une chance énorme, c’est un combattant. Il n’a pas eu besoin de réanimation ni de couveuse.
Mais moi… j’ai accouché ?!
Non… j’hurle encore sur ma table.
On me recoud, mais j’ai tellement mal que je ne réfléchis pas à mon fils, je ne pense qu’à ma douleur que j’essaie de maîtriser.
On me transfère en salle de réveil où je suis seule. Seule avec moi-même et une infirmière dernière une vitre. J’ai mal au ventre, il est vide totalement vide et moi je me sens aussi vide.
Mais je ne me sens pas mère…
Mon enfant, mon mari je ne sais même pas où ils sont et s’ils vont bien. Je me sens seule, je me sens triste et … je ne comprends rien à ce qui est arrivé.
Mon mari arrive avec mon fils, enfin « mon fils » c’est ce qu’on me dit. Je ne me sens toujours pas maman. On ne peut pas appeler cela « mettre au monde ». On m’a arraché mon fils que j’ai tellement désiré, tellement imaginé, tellement aimé. L’infirmière me prépare au fait que mon fils est vraiment très petit. Qu’il va plutôt bien mais que cela peut changer à tout moment. Mon mari me le dépose sur le ventre.
Mais là rien ne se passe…
Aucun sentiment, ni joie, ni tristesse.
Je suis vide d’émotions.
On me dit que ce petit être fragile a froid et que rien n’est gagné.
Mon mari nous regarde avec un amour énorme.
Et moi ?
Moi je ne sais pas si je vais réussir à l’aimer comme je voudrais.
Et moi ?
Je m’en veux tellement de ne pas avoir sû le protéger à l’intérieur de moi.
Et moi ?
Je m’en veux de lui avoir fait subir une venue au monde aussi horrible et violente.
Et moi ?
Je me pose tellement de questions…
Je suis devenue, soit disant « mère » à 20h09.
Dès ce moment, je me dois d’être forte, je me dois de me dire que tout va bien, je me dois d’avancer pour lui.
C’est grâce aux sages-femmes de la maternité dans laquelle mon fils est venu au monde (oui car pour moi je n’ai jamais accouché…) que j’ai pu allaiter. Au moins, cela j’ai réussi à l’avoir. Mais ça été un combat permanent, difficile fatigant et stressant. Mon fils étant né avec un poids très faible, il ne fallait absolument pas qu’il perde de poids et ma lactation devait arriver le plus vite possible.
Je suis devenue mère, au moment où on me l’a mis au sein.
Je suis devenue mère, au moment où ses yeux m’ont vraiment regardé pour la première fois.
Je suis devenue mère, le jour où j’ai arrêté de faire semblant que tout allait très bien et où j’ai osé dire que j’avais vécu des choses difficiles.
Ce texte étant pour moi, mon moyen de faire mon deuil.
Faire le deuil d’une grossesse pas comme les autres, une grossesse difficile émotionnellement où j’ai eu peur de perdre mon fils.
Faire le deuil d’un accouchement qui s'est passé dans la douleur, les pleurs et la tristesse.
Faire le deuil d’un accouchement naturel et d’une venue au monde paisible.
Et surtout m’autoriser à avoir ressenti autant de choses et de me pardonner d’avoir pensé que je ne l’aimerais peut-être pas comme il se doit.
A mon fils, Aaron né un jour d'octobre 2018 à 20h09. Du haut de ses petits 2.240kg et 44cm
Merci p’tite crevette de m'avoir permise de devenir maman.
Merci à mon mari de me permettre d’être une maman et me soutenir chaque jour.
Merci à ma sœur de m’avoir soutenue depuis le 1er jour
Accompagnement à l'allaitement et cours de portage
Tania et Dean Krenger
3978 Flanthey